Une riposte dans « les règles », tacitement admises depuis 2006...

Les quatre obus lancés mardi vers le Golan occupé avaient servi de diversion, et c'est finalement dans la zone controversée des fermes de Chebaa, que le Liban considère occupée par Israël, que le Hezbollah a riposté contre l'attaque qui avait atteint six de ses cadres à Kuneitra, la semaine dernière. Bien que, depuis l'attaque israélienne, le Hezbollah n'ait pas été avare en menaces de riposte, celle-ci a quand même surpris par sa précision, son audace et sa rapidité.


Certains au Liban et dans le monde étaient convaincus que le Hezbollah ne ripostera pas et que toutes les menaces lancées par ses cadres au cours des derniers jours visaient essentiellement à calmer ses partisans. D'autres, au contraire, craignaient une riposte qui déclencherait une guerre, soit parce qu'elle aurait lieu en Israël, soit parce que l'État hébreu avait promis de répondre à la source de la riposte, qu'il s'agisse du Liban ou de la Syrie. Mais le Hezbollah a montré hier qu'il sait frapper fort tout en respectant « les règles de l'affrontement » admises depuis la fin de la guerre de 2006. Il n'a pas réagi à partir du Golan et n'a donc pas ouvert un nouveau front. Il n'a pas non plus frappé une cible à l'intérieur d'Israël et il n'a pas agi contre des intérêts économiques, politiques ou civils israéliens. L'opération a eu lieu dans un espace considéré comme conflictuel, contre des militaires israéliens, et, par conséquent, la marge de la réaction israélienne devrait rester limitée. Et au cas où Israël songerait à réagir violemment, le Hezbollah a revendiqué la riposte dans un « communiqué numéro 1 ». Cette terminologie militaire particulière est destinée à montrer aux Israéliens que le parti est prêt à toutes les éventualités, et donc que les menaces israéliennes ne l'effraient pas. D'ailleurs, tout au long de la journée d'hier, la chaîne al-Manar n'a cessé de montrer des habitants des villages frontaliers du Sud sortant dans les rues pour se réjouir et se féliciter de la riposte, alors qu'en face, de l'autre côté de la frontière, les Israéliens étaient inquiets et choqués.


Ils avaient d'ailleurs de quoi l'être. Car la question qui se posait hier dans les médias israéliens était la suivante : comment le Hezbollah a-t-il pu réussir à frapper en plein jour un convoi militaire israélien composé de neuf véhicules, dans une zone militaire protégée par des radars très sophistiqués et alors que les troupes israéliennes sont en état d'alerte maximale depuis une semaine ? L'audace de l'opération et sa précision ont frappé les esprits, et les milieux aussi bien militaires que diplomatiques et politiques ne cachaient pas hier leur soulagement. Selon toute probabilité, les Israéliens ne pourront pas invoquer le dépassement par le Hezbollah des « lignes rouges » virtuelles établies depuis la fin de la guerre de 2006, même si le coup qui leur a été porté leur fera certainement mal, tant sur le plan militaire que sur le plan du moral des Israéliens. Mais, bien sûr, nul ne peut exclure une possibilité de représailles israéliennes, surtout en cette période de campagne électorale dans laquelle l'actuel Premier ministre est non seulement contesté par la droite extrémiste, mais aussi par le centre et les travaillistes, alors que l'administration américaine actuelle ne cache pas qu'elle souhaite son départ du gouvernement israélien.


Tout en affirmant qu'il est prêt à tous les scénarios et toutes les éventualités, le Hezbollah s'estime, lui, gagnant dans cette opération, dans laquelle il a montré ses capacités militaires en réagissant rapidement et avec précision, tout en respectant les réalités libanaises et le contexte régional et international complexe. Son chef, Hassan Nasrallah, qui doit prononcer un discours demain, a par le biais de cette opération tenu parole face à ses partisans auxquels il avait promis une riposte rapide. Il a augmenté ainsi sa crédibilité, tout en montrant aussi sa sagesse et sa grande capacité à « passer entre les gouttes », selon l'expression en vigueur. Il en parlera d'ailleurs lui-même dans son discours de vendredi, annonçant à ses partisans que, comme il leur avait promis la victoire et la riposte, il a respecté son engagement cette fois encore.


En même temps, aux parties libanaises qui étaient inquiètes du déclenchement d'une nouvelle guerre et qui s'étaient clairement exprimées à ce sujet dans les médias, il précisera qu'il tient compte des réalités libanaises et de la volonté des Libanais de ne pas voir leur pays entraîné dans une nouvelle guerre. La riposte du Hezbollah a donc eu lieu dans les limites géographiques et militaires considérées comme acceptables, et les contacts diplomatiques régionaux et internationaux devraient faire le reste pour mettre un terme à toute velléité d'escalade. Sauf si certains acteurs régionaux ont un autre agenda. Ce qui, dans cette situation complexe, n'est jamais à exclure.

 

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