25 Février 2015
Kostas Lapavitsas est professeur d’économie à l’Université de Londres et a été élu député Syriza lors des dernières élections. Dans un article publié sur son blog le 23 février, il critique les dernières négociations de son gouvernement avec les créanciers du pays et considère que cela ne va pas dans le sens des engagements pris lors du discours de Thessalonique qui présentait le programme économique en cas de victoire. Il pose également 5 questions importantes sur la dette, l’austérité, le Plan national de reconstruction et l’avenir des négociations.
L’accord de l’Eurogroupe n’est pas complété, en partie parce que nous ne savons pas encore quelles sont les ‘réformes’ que le gouvernement grec proposera aujourd’hui (lundi 23 février) et quelles sont celles qui seront acceptées.
Mais, nous qui avons été élus sur la base du programme de Syriza et qui considérons que les propositions de Thessalonique sont un engagement que nous avons pris envers le peuple grec, nous sommes profondément préoccupés. Et il est de notre devoir de consigner nos préoccupations.
Le contour général de l’accord est le suivant :
Sur cette base, l’Eurogroupe entamera les procédures nationales en vue d’une prorogation de quatre mois de l’accord en cours et invite les autorités grecques à engager immédiatement la procédure en vue de la réalisation de son évaluation.
Il est difficile de discerner comment, au travers de cet accord, il sera possible de réaliser les mesures annoncées à Thessalonique qui incluent l’annulation de la majorité de la dette et le remplacement immédiat des mémorandums par le Plan national de reconstruction.
Nous qui avons été élus avec Syriza, nous nous sommes engagés pour la réalisation de ce Plan indépendamment des négociations concernant la dette car nous estimons nécessaire de relancer l’économie et de soulager les souffrances de la société. Il est donc nécessaire à présent d’expliquer comment cela sera réalisé et comment le nouveau gouvernement sera en mesure de changer la situation tragique dont il a hérité.
Pour être plus précis, le Plan national de reconstruction incluait quatre piliers représentant, pour la première année, le coût suivant :
Les sources de financement prévues pour la première année, étaient les suivantes :
Compte tenu de la communication de l’Eurogroupe, je pose les questions suivantes :
Plan national de reconstruction
Comment le Plan national de reconstruction sera-t-il financé si les 3 milliards du Fonds de stabilité financière sont dorénavant hors du contrôle grec ? Ces fonds n’étant plus disponibles, il sera d’autant plus impérieux de collecter des sommes importantes grâce à la lutte contre l’évasion fiscale et à la liquidation des dettes envers le fisc, dans un très bref délai. Combien cette perspective est-elle réalisable ?
Annulation de la dette
Comment l’annulation de la dette pourra-t-elle avancer si la Grèce s’engage à rembourser intégralement et en temps utile toutes ses obligations financières envers ses partenaires ?
Levée de l’austérité
Comment pourra-t-il y avoir une levée de l’austérité si la Grèce s’engage de réaliser des excédents primaires ‘adéquats’ afin de rendre ‘viable’ l’énorme dette courante ? La ‘viabilité’ de la dette –telle qu’estimée par la troïka – était précisément la raison de la chasse absurde aux excédents primaires. Étant donné que la dette ne sera pas significativement réduite, comment arrêterons-nous d’avoir des excédents primaires qui sont catastrophiques pour l’économie grecque et qui constituent l’essence de l’austérité ?
Surveillance et coût budgétaire
Comment sera-t-il possible de réaliser des changements progressistes dans le pays si les ‘institutions’ exercent une surveillance stricte et interdisent les actions unilatérales ? Les ‘institutions’ permettront-elles de réaliser les piliers du programme de Thessalonique étant donné qu’ils ont un impact budgétaire direct ou indirect ?
La négociation future
Qu’est-ce qui aura précisément changé dans les quatre mois de la ‘prorogation’ pour que la nouvelle négociation avec nos partenaires ait lieu à partir de nouvelles positions meilleures ? Qu’est-ce qui évitera la dégradation de la situation politique, économique et sociale du pays ?
Les moments sont absolument cruciaux pour la société, la nation et, bien entendu, pour la Gauche. La légitimité démocratique du gouvernement est fondée sur le programme de Syriza. La moindre des choses est d’avoir un débat ouvert dans les organes du parti et dans le groupe parlementaire. Nous devons fournir immédiatement des réponses pertinentes à ces questions pour conserver le soutien et la dynamique que le peuple grec nous imprime. Les réponses qui seront données dans les jours qui suivent jugeront de l’avenir du pays et de la société.
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