Le courage des Grecs

Le «non» était attendu mais pas avec une telle ampleur. Plus de 61% des votants et tous les districts du pays ont rejeté le plan d’austérité exigé par les créanciers de la Grèce. La folle semaine imposée au peuple hellène n’a fait que renforcer sa détermination à prendre une autre voie. Cinq mois après le succès de Syriza, les Grecs ont une nouvelle fois dit «non» à un avenir qui se dessinerait dans l’appauvrissement du plus grand nombre et le démantèlement de l’Etat et des solidarités sociales.

L’écart – quelque 23 points – est impressionnant au vu des moyens qui ont été employés pour faire plier la résistance. A commencer par la soudaine fermeture des banques grecques imposée par la Banque centrale européenne et les menaces répétées d’expulsion de la Grèce de l’eurozone en cas de victoire du «non». Une «stratégie du choc» que le ministre des Finances grec n’a pas hésité à qualifier de «terrorisme» samedi dans «El Mundo».

En Grèce même, d’innombrables pressions patronales ont été signalées par des salariés, appelés à choisir entre voter «oui» ou voir leur salaire diminuer. Pas moins graves, les prises de position de hauts-gradés de l’armée en faveur du «oui», dans un pays qui était encore dirigé par une junte militaire il y a quarante ans.

Cette dramatisation, les médias grecs et européens y ont largement contribué. Soutenant massivement le «oui», ils ont braqué leurs téléobjectifs sur ces pauvres retraités condamnés par la faute du gouvernement à faire la queue pour toucher leur retraite… en occultant bien sûr qu’un «oui» amaigrirait encore ce pécule. De sondages bidon en articles tendancieux, les télévisions et radios grecques n’ont reculé devant aucune forfaiture. Prouvant que les grands médias européens n’ont rien à envier à leurs confrères latino-américains quand il s’agit de servir une oligarchie et tenter de déstabiliser un gouvernement qui leur déplaît.

Le soudain stoïcisme des Grecs devant les menaces n’est d’ailleurs pas sans rappeler ce début des années 2000 quand l’Amérique latine osa prendre un autre chemin, qu’on lui prédisait apocalyptique. Lorsque le chantage à la bourse de Sao Paulo ne put plus empêcher Lula d’atteindre la présidence du Brésil au quatrième essai! Lorsque l’Argentine et l’Equateur refusèrent de rembourser leur dette sans se retrouver à l’âge du troc. Quand les Boliviens portèrent le Mouvement vers le socialisme au pouvoir, sourds aux pronostics du retour à l’inflation galopante.

Comme naguère en Amérique latine, l’échec patent, concret, des politiques néolibérales et leurs conséquences dramatiques pour la majorité ont eu raison des loyautés politiques traditionnelles et redonné leur liberté aux électeurs. A ce sentiment «de n’avoir rien à perdre», Syriza a su offrir des perspectives, une espérance. Depuis cinq mois, le gouvernement d’Alexis Tsipras, avec un redoutable mélange d’inflexibilité et de pragmatisme, a créé un rapport de confiance, de franchise avec la majorité des Grecs. Au-delà des frontières grecques, il a ouvert les yeux de millions d’Européens sur les présupposés idéologiques et les méthodes antidémocratiques qui président aux destinées continentales. Quel que soit le chemin que devra emprunter la Grèce demain – défaut, Grexit ou accord de restructuration – l’Europe n’est déjà plus la même depuis dimanche soir.

 
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