Goethe: Le chant de Mahomet

 

Voyez le ruisseau des montagnes brillant de joie, comme un regard des étoiles ! Au-dessus des nuages, de bons génies ont nourri son enfance parmi les roches buissonneuses.

 

Jeune, ardent, il s’élance de la nue sur les parois de marbre, et
il pousse encore vers le ciel des cris d’allégresse.

 

Le long de ses sentiers sublimes ; il pourchasse les cailloux
bigarrés, et, comme un guide empressé, il entraîne à sa suite les
sources fraternelles.

 

Là-bas, dans la vallée, les fleurs naissent sous ses pas et la
prairie s’amine de son haleine. Mais rien ne l’arrête, ni la vallée
ombreuse ; ni les fleurs qui s’enlacent autour de ses genoux, et le
caressent de leurs regards amoureux : il précipite vers la plaine sa
course tortueuse.

 

Les fontaines unissent : leurs flots aux siens. Fier de ses ondes
argentées, il entre dans la plaine ; et la plaine, fier de lui, et les
rivières des campagnes et les ruisseaux des monts le saluent avec
allégresse et s’écrient : « Mon frère, mon frère, prends tes frères
avec toi, et les emmène vers ton vieux père, l’éternel océan, qui, les
bras ouverts nous appelle. Hélas ! ils s’ouvrent en vain pour
recueillir ses enfants qui soupirent, car, dans l’aride désert, le sable
altéré nous dévore ; là-haut, le soleil absorbe notre sang ; une
colline nous arrête en nappe immobile. O frère, prends tes frères de
la plaine, prends tes frères des montagnes et les emmène vers ton
père ! »

 

Venez tous !... Et il s’enfle plus magnifique ; toute une nation
porte le prince au faîte des grandeurs. Et dans le cours de son
triomphe, il nomme les contrées ; les cités naissent sous ses pas ;
irrésistible, il marche avec fracas ; il laisse derrière lui les tours aux
sommets étincelants, les palais de marbre, créations de sa fécondité.

 

L’Atlas porte des maisons de cèdre sur ses épaules de géant :
sur sa tête frémissent dans les airs mille étendards, témoins de son
empire.

 

Ainsi, mugissant de joie ; il porte ses frères ; ses enfants, ses
trésors, dans le sein du père ; qui les attend.

 

Traduction Jacques Porchat, 1861.

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