Obama est un cyclope. Moi aussi.

 

Je suis prête en cette aube de ce 21ième  siècle passionnant  à revoir mes classiques comme m’y invitent des amis de bonne foi, des éditorialistes africains et autres segments de la mediaklatura émergente qui tentent d’expliquer à ma conscience obtuse que certes, l’Amérique est une grande puissance soucieuse de ses intérêts et « c’est normal », mais qu’elle n’est pas le deus ex machina qui décide de tout et que les choses étant complexes par ailleurs, depuis sa riche histoire, ses contradictions internes, elle est contrainte parfois à être du bon côté du manche, comme en Libye par exemple parce que « quand même on ne pouvait pas laisser les libyens se faire massacrer »

 

Soit, depuis mon Afrique des dictateurs, malmenée, déconsidérée, réduite à ses migrants, à sa dette, à sa paresse, à son manque de rationalité et à sa décolonisation que l’on nous dit ratée, je suis prête à jeter à la poubelle, Frantz Fanon, Mahmoud Darwich, Wangari Maathai, Djamila Bouheired, Salvador Allende,  la lutte des classes, les rapports dominants/dominés, soit, je n’écrirai pas impérialisme, je n’écrirai pas coup d’état, puissances étrangères, souveraineté nationale et encore moins populaire, je n’écrirai pas peuple. Je suis prête à vider ma mémoire et je suis même prête à jeter ma seule richesse : mes livres, ainsi que tous les foulards de ma mère et de ses sœurs du sud et du nord qui ont été mes étendards berbéro-prolétaro-planétaires. Me voilà nue.

 

Je viens de naître, et telle une affamée je cherche de nouvelles lectures pour sortir de mes archaïsmes.  Pour commencer mon apprentissage, histoire d’aller à la source, je vais lire le dernier discours du président Barack Obama devant « la communauté internationale » réunie cette semaine en Assemblée Nationale aux Nations-Unies. Je lis. Il veut la paix et une paix durable. D’ailleurs, Il compte se retirer de l’Irak, de l’Afghanistan et comme j’ai perdu la mémoire, je dis : OK. Maintenant que les libyens sont libres, que l’ex plus grand pays d’Afrique, le Soudan, a été paisiblement découpé en deux,  il reste la Syrie, l’Iran, le Yémen, Bahreïn, l’Arabie Saoudite, heu pardon, ce pays n’est pas sur la liste, je confondais avec la Corée du Nord.  Je lis, je lis, la paix, la paix c’est bien, la paix et encore la paix parce que c’est mieux que la guerre explique l’Amérique, et comme j’ai perdu la mémoire, je dis encore : OK.

 

Je continue à lire, Ah, voici le chapitre que j’attendais : la Palestine. Obama le sait, il dit : Je sais, en particulier cette semaine, que pour beaucoup de personnes ici rassemblées une question est la pierre de touche de ces principes, une épreuve pour la politique étrangère des États-Unis : il s’agit du conflit entre les Israéliens et les Palestiniens. Je n’aurais pas dit mieux. Il dit qu’il est frustré de la lenteur dans le règlement de ce conflit, cela nous fait un point commun à Obama et moi. Il dit : « Mais comprenez bien ceci aussi. L’attachement de l’Amérique à la sécurité d’Israël est inébranlable, et notre amitié pour Israël est profonde et durable. »

 

Ca j’aime moins, puis je me dis : après tout l’Amérique a le droit comme n’importe qui de choisir ses amis, et on ne  peut pas lui reprocher de ne pas être l’amie de la Palestine puisque ce pays n’existe pas et c’est bien là « la pierre de touche ». .En revanche, les palestiniens existent et Obama lui même le reconnaît, comme il reconnaît que « (…) chaque partie a des aspirations légitimes, et c’est en partie ce qui rend la paix si difficile. » Que faire ? aurait dit Lénine, euh pardon, un reste de mémoire pavlovienne. Il répond : « On ne sortira de l’impasse que lorsque chaque partie aura appris à se mettre à la place de l’autre ; que chaque partie verra le monde à travers les yeux de l’autre... C’est ce que nous devons promouvoir. »

 

Voilà une bonne idée, voir le monde avec les yeux des autres, cela nous fait deux points communs puisque c’est exactement ce que je suis m’échine à faire ce matin et c’est laborieux, j’en conviens, parce que ce n’est pas facile : l’histoire c’est comme la mémoire, c’est un disque dur que même les missiles ne peuvent effacer.

 

Dans le cadre de la promotion du monde vu par les yeux des autres, Barack Obama nous décrit le monde vu par Israël, je lis: «  Israël est entouré de voisins qui lui ont fait la guerre à maintes reprises. » C’est terrible. «  Des citoyens israéliens ont été tués par des tirs de roquette dirigés contre leurs maisons et par des attentats suicides à la bombe dans des autobus. » C’est horrible. « Les enfants d’Israël savent, avant même d’arriver à l’âge adulte, que dans toute la région d’autres enfants apprennent à les haïr. » C’est scandaleux ! «  L’État d’Israël, petit pays de moins de huit millions d’habitants, voit autour de lui un monde où les dirigeants de pays beaucoup plus grands menacent de le rayer de la carte. » C’est vraiment des méchants ! « Les Juifs portent le fardeau de siècles d’exil, et de persécutions, et de souvenirs encore frais dans la mémoire des six millions des leurs qui ont été tués uniquement en raison de leur identité. » C’est indiscutable ! Maintenant pour continuer cet exercice salvateur « pour une paix durable dans le monde », voyons le monde par les yeux des Palestiniens, puisque la Palestine n’existe pas.

Je lis… je relis.. je relis. Rien. Je lis, je lis, je relis. Rien.

 

J’en conclus que le président des Etats-Unis ne voit que d’un œil. C’est donc un cyclope. Mais sur terre après tout il n’y a pas que la Palestine, il y a les grecs, la crise financière, ça aussi c’est l’actualité qui dit l’état du monde et qui réveille mes vieux archaïsmes comme ma détestation de l’austérité pour les pauvres, du FMI, de la Banque mondiale, du marché souverain, des inégalités sociales, du fardeau insupportable des femmes  etc, etc...

 

Je lis : « Aujourd’hui, nous devons affronter les défis découlant de cette crise. La relance est fragile. Les marchés demeurent volatiles. Trop de gens sont au chômage. Trop d’autres doivent se débattre rien que pour joindre les deux bouts. » Si il y a « trop de gens » d’un côté, il y a peu être « peu de gens » de l’autre côté. Il y a d’un côté, la majorité et de l’autre la minorité. Je lis, je cherche la minorité, quelque chose du genre : «  Peu de gens sont trop riches. Peu d’autres se débattent pour spéculer à coups de milliards de dollars sur des marchés volatiles. » Je lis, je relis. Rien, les riches ils n'existent pas.

 

J’en conclus qu’Obama voit le monde comme un riche mais pas comme un pauvre.

Il voit le monde comme un israélien mais pas comme un palestinien.

Il voit les insurgés libyens mais il ne voit pas l’OTAN.

Il voit l’Iran mais pas l’Arabie Saoudite.

 

J’en conclus qu’Obama a des problèmes de vision, tout le temps il lui manque un œil.

 

J'en conclus : OK, l’Amérique d’Obama n’est plus hégémonique, ni même impérialiste, elle est juste borgne, you know. Ce n’est pas honteux mais « soyons honnête » comme dirait Obama, c’est un peu gênant quand on vient de prendre la responsabilité d’affirmer qu’: « On ne sortira de l’impasse que lorsque que chaque partie verra le monde à travers les yeux de l’autre... »  Aussi dans le cadre de la « paix durable » et dans cette optique Etasunienne,  je propose que quelque uns d’entre nous continuent de se sacrifier pour rendre à l’Amérique l’œil qui lui manque. L'oeil de l'Autre.

Je me porte volontaire, telle une kamikaze de la paix. Non ! Laissez- moi! Laissez- moi  retrouver ma veille mémoire, mon histoire et mes livres et mes étendards de femme de la planète des invisibles, le devoir m'appelle:  l’Amérique a  besoin de  mon œil.

 

 

Ghania Mouffok

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