Agir pour la Grèce et l’Europe

Face aux comportements et déclarations irresponsables et désastreuses des dirigeants européens vis-à-vis de la Grèce et de son nouveau gouvernement, ne serait-il pas souhaitable que ceux qui, en France, soutiennent le peuple grec avec Syriza s’adressent ensemble à François Hollande ?

Jean-Luc Mélenchon a demandé audience au président de la République pour discuter avec lui de la Grèce et l’Europe après la décision prise par la Banque centrale européenne de priver, à partir du 11 février, les banques grecques d’une partie de leurs liquidités en attendant une asphyxie totale programmée pour la fin février.

Personnellement, je ne suis pas un adorateur inconditionnel de Jean-Luc Mélenchon. Mais j’approuve pleinement son initiative. Je regrette seulement qu’elle ne soit pas commune avec Clémentine Autain, Guillaume Balas, Cécile Duflot, Susan George, Liêm Hoang Ngoc, Pierre Laurent, Pierre Larrouturou, Jean-Luc Mélenchon, Patrick Saurin... bref avec tous ceux et toutes celles qui, il y a trois semaines, ont organisé à Paris un meeting de "Soutien au peuple grec avec Syriza".

Partie déterminante

Ce qui est en train de se jouer entre la Grèce et l’Europe sera déterminant, non seulement pour l’avenir de la Grèce et de son peuple, mais pour celui de la France et de l’Union européenne toute entière. Face aux pressions odieuses exercées par les dirigeants européens, ceux de la BCE et ceux de nombreux États de la zone euro, pour que le gouvernement grec renonce à la mise en œuvre du programme sur lequel il vient d’être élu, il ne s’agit pas de compter les points ou, pire encore, de jouer les Cassandre. Il faut agir. Et, dans les circonstances présentes, exiger du gouvernement français qu’il se place résolument au côté des demandes d’Alexis Tsipras et de son gouvernement.

Celles-ci ne sont pas simplement conformes aux choix démocratiquement exprimés par le peuple grec. Elles sont aussi pleinement conformes au programme que le peuple français avait adopté en élisant François Hollande, programme qu’il a pour sa part renoncé immédiatement à mettre en œuvre. Elles sont enfin pleinement conformes à l’intérêt de tous les Européens qui ne veulent pas que l’Union européenne implose et qui souhaitent l’arracher à la perspective d’un marasme sans fin.

C’est pourquoi il serait, me semble-t-il, hautement responsable que celles et ceux nommés ici, disent, ensemble, ce que la France et son gouvernement devraient faire.

Échec absolu

 

La Grèce subit depuis cinq ans une politique qui l’a rendue exsangue. Elle était en faillite et, comme l’a résumé son nouveau ministre des Finances (Le Monde du 3 février), les États européens, la BCE, le FMI « ont accepté de prêter à la Grèce de larges sommes d’argent pour rembourser ses dettes et en lui demandant de baisser ses revenus ». L’échec de cette politique est absolu et, d’une certaine façon, incroyable. « Le peuple grec a souffert, mais en vain, écrit l’éditorialiste du Financial Times, Martin Wolf. Les Grecs sont plus pauvres qu’ils ont pensé qu’ils étaient. Mais une Grèce plus productive n’est pas apparue. »

« Quand la crise de l’euro a commencé il y a environ cinq ans, vient à nouveau d’expliquer l’économiste Joseph Stiglitz, les économistes keynésiens ont prévu que l’austérité imposée à la Grèce et aux autres pays en crise allait échouer. Elle devait étouffer la croissance et faire augmenter le chômage et même échouer à réduire le rapport dette-PIB. D’autres (à la Commission européenne, à la Banque centrale européenne et dans quelques universités) ont parlé de contractions expansionnistes. Nous n’avions pas besoin vraiment d’une nouvelle confirmation. L’austérité avait déjà échoué à plusieurs reprises, depuis son utilisation précoce sous la présidence de Herbert Hoover aux États-Unis, qui a transformé le krach boursier en Crise de 1929, jusqu’aux "programmes" du FMI imposés à l’Asie et à l’Amérique latine au cours des dernières décennies. Et pourtant, quand la Grèce a eu des ennuis, on y a eu recours une nouvelle fois. La Grèce a largement réussi à suivre le précepte imposé par la "Troïka" (la Commission européenne, la BCE et le FMI) : elle a converti un déficit primaire en un excédent primaire. Mais la contraction des dépenses publiques a été aussi dévastatrice que prévisible : 25% de chômage, une baisse de 22% du PIB depuis 2009 et une augmentation de 35% du rapport dette-PIB. »

La responsabilité des gouvernements d’Antonis Samaras qui l’a mise en œuvre et de son prédécesseur George Papandréou est totale, mais celle des dirigeants des États européens, de la Commission européenne, de la BCE et du FMI qui l’ont dicté, qui en ont encadré et surveillé l’application, n’est pas moins engagée.

Demandes réalistes

Avec la victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier, les Grecs n’ont pas seulement dit qu’ils en avaient assez. Ils ont voté pour rompre avec des pseudos réformes de structures qui n’ont pas touché ni au clientélisme, ni à l’oligarchie, mais ont attaqué les salaires, les retraites, les services publics. Ils ont voté pour le seul programme réaliste qui vaille, c’est-à-dire un programme de redressement politique, moral, social et productif de leur pays.

Compte tenu de la situation d’étranglement financier de la Grèce, ce programme est impossible à réaliser si elle doit respecter les conditions actuelles de paiement de sa dette formulées par la Commission européenne, la BCE et le FMI et auxquelles s’était engagés les gouvernements chassés du pouvoir. Le nouveau gouvernement grec ne peut pas financer la fin de l’austérité, la lutte contre la misère de masse, le sauvetage des hôpitaux et de leurs écoles, les investissements productifs absolument indispensables en faisant face à des remboursements de 20 milliards de dettes en 2015 (en mars, 1,5 milliard d’euros doit être remboursé au FMI, et 9 milliards au total dans l’année. 7,7 milliards doivent être en outre remboursés en juillet-août à la BCE). Et pour les années à venir, la Grèce devrait réaliser un excédent budgétaire primaire de 4,5 % du PIB ainsi que l’édicte le programme signé par Samaras avec la Troïka.

De plus, le redressement ne sera pas possible si de nouveaux financements européens ne sont pas accordés à la Grèce pour des investissements productifs. Il n’y a rien de tel dans le plan Juncker, qui mise au contraire beaucoup trop sur les marchés financiers. Il n’y a pas non plus ce qu’il faut dans l’opération dite de quantitative easing de la BCE qui a exclu la Grèce et qui va surtout alimenter de nouvelles bulles financières.

Alexis Tsipras, Yanis Varoufakis ont été à Londres, à Paris, à Rome, à Bruxelles et à Francfort (le siège de la BCE) pour demander des choses simples et raisonnables : pouvoir construire avec l’ensemble des partenaires et des institutions européennes un nouveau plan pour la Grèce et se donner jusqu’à juin pour le faire. Et d’ici là, établir les aménagements financiers d’urgence indispensables.

Crispation de l’Allemagne

Comme on le sait, l’Allemagne de Mme Merkel est arcboutée contre le respect du vote du peuple grec. Un document élaboré par l’Allemagne en vue d’une réunion de l’Eurogroupe, jeudi prochain et révélé par l’agence Reuters, vient encore de la marteler : La tutelle de la Troïka doit être maintenue. Tout le programme du mémorandum doit être appliqué. Toutes les échéances financières prévues doivent être respectées par la Grèce.

Angela Merkel n’est pas seule. Elle se prévaut qu’il n’y a pas « de divergences de fond » entre les États de l’Union européenne. Elle a reçu l’appui de Jean- Claude Juncker. « Le respect de la démocratie s’arrête là où commence le respect des traités », a clamé le nouveau président de la Commission et ci-devant organisateur industriel d’une évasion fiscale des multinationales, contraire aux règles des Traités sur la concurrence. Et elle vient de recevoir un sacré coup de main de M. Draghi, le président de la BCE, ci-devant vice-président de Goldman-Sachs Europe de 2002 et 2005, ayant eu forcément à connaître les opérations de celles-ci pour minimiser le déficit public de la Grèce entre 2000 et 2002 – et ne les ayant en tout cas jamais critiquées.

Coup d’État de la BCE

La BCE a décidé de cesser d’accepter les titres à court terme émis par l’État grec en contrepartie de liquidités accordés aux banques grecques. La BCE coupe ainsi l’accès aux liquidités à l’État qui pouvait émettre ces titres jusqu’à un certain niveau pour se financer. Et elle commence à asphyxier les banques grecques qui ne pourront plus disposer (et pour combien de temps ?) que de refinancement d’urgence plus coûteux (appelé programme ELA).

C’est une opération de chantage à la limite d’une déclaration de guerre. C’est aussi un « coup d’état » constatent à juste raison les Économistes atterrés. « La décision prise est en contradiction flagrante avec l’article 127 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui indique que "Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le Système européen des banques centrales (SEBC) apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne". Et cet article 3 indique que l’UE "œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] qui tend au plein emploi et au progrès social". »

Au contraire, les dirigeants de la BCE choisissent de déchaîner les spéculateurs à amplifier les sorties de capitaux de la Grèce au risque de précipiter toute l’Europe dans une nouvelle crise financière majeure. Mais c’est une opération de gribouille. Si la Grèce est asphyxiée et qu’elle doit quitter l’euro, ce sera une catastrophe pour l’Europe et dans l’immédiat une certitude qu’elle fera défaut sur toute sa dette, alors que, paraît-il, l’objectif de la manœuvre est qu’elle la paie en entier, intérêt et capital.

Le gouvernement grec a répondu qu’il ne céderait pas au chantage et qu’il n’était pas question pour lui de renoncer à l’application du programme sur lequel il vient d’être élu.

Ce que devrait dire et faire François Hollande

Voilà pourquoi une démarche commune auprès de François Hollande des dirigeants français qui soutiennent la Grèce avec Syriza serait, je crois, tout à fait utile. Ensemble ils auraient certainement plus de force et de poids pour lui dire :

Monsieur le président, 
 Vous devez placer la France résolument au côté des demandes du gouvernement grec d’Alexis Tsipras. 
 Vous devez affirmer que dans sa décision du 4 février, la BCE ne respecte pas son mandat, qu’elle joue au pompier pyromane et qu’elle doit au contraire tout faire pour stabiliser la situation financière de la zone euro jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit trouvé avec la Grèce. 
 Vous devez dire qu’il est raisonnable et équilibré qu’un tel accord consiste en un traitement de la dette grecque qui allège significativement et durablement sa charge, en des mesures immédiates pour combattre la véritable crise humanitaire que subit ce pays et en la mise en œuvre rapide des réformes structurelles que veut appliquer le gouvernement grec avec l’aide de l’Union européenne. 
 Vous devez dire que le débat ouvert avec le nouveau gouvernement grec est une occasion de modifier le cours de l’Union européenne pour le bien de tous et que des initiatives nouvelles doivent être prises : 
• pour une meilleure coordination des politiques économiques de chaque pays membre en fonction de sa situation particulière car il est insupportable que la zone euro accumule les excédents commerciaux au détriment du développement de son marché intérieur et donc de ses emplois, 
• pour une transformation substantielle du plan Juncker, afin d’engager vraiment l’Union européenne sur le chemin de la transition énergétique et écologique,
• pour en finir rapidement avec le dumping fiscal et social au sein de l’Union européenne et avec l’évasion fiscale des multinationales opérant dans l’Union.

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