Cologne ou «le tartuffe féministe»

La polémique autour de l’analyse culturaliste de Kamel Daoud des agressions de Cologne continue. Pour le spécialiste de l’islam, Olivier Roy, le machisme et le harcèlement sexuel existent partout, alors pourquoi isoler ce phénomène chez les musulmans ?

 

La cause semble entendue : si de jeunes Maghrébins se sont livrés à des agressions sexuelles à Cologne, c’est qu’ils sont «agis» par un logiciel «culturel» qui vient de la religion musulmane (mépris des femmes en général et plus particulièrement des femmes libres).Evidemment, c’est un peu difficile d’expliquer comment un salafiste qui refuse de tendre sa main à une femme la lui mettrait aux fesses, mais Molière a écritTartuffe, lequel n’était pas salafiste, justement pour explorer le rapport entre un saint et une paire de seins.

Prenons acte et tentons de voir les conséquences. Si le harcèlement sexuel est avant tout «musulman» que dire alors des Européens qui s’y adonnent ? La bonne nouvelle serait que justement c’est fini : aujourd’hui, nous sommes dans une ère postféministe. Certes, les mâles européens ne tiennent plus les portes ouvertes aux dames (ce serait ringard), mais ils les respectent, les considèrent comme leurs égales, ne les touchent qu’après leur avoir fait signer une lettre de consentement (renouvelable à chaque étape de l’acte sexuel, ce que n’avait pas compris le pauvre Assange - sans doute un reste de sa culture australienne - ou bien Dominique Strauss-Kahn). Puisque, désormais (ignorons le sombre passé), le respect de la femme est une valeur occidentale, alors tous les Occidentaux respectent les femmes. Maintenant, il faut défendre cet acquis de l’Occident chrétien, dénoncer et combattre tous ensemble le machisme musulman. Les Femen peuvent sans état d’âme rejoindre le FN ou la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X et participer à des troisièmes mi-temps.

Cependant, les chiffres sont moins optimistes. Dans toute l’Europe, les procès pour harcèlement sexuel se multiplient et visent très souvent la loi du silence propre à l’establishment. On apprend aussi que «l’Eglise belge a reçu plus de 400 plaintes pour pédophilie» (le Point du 22 février). Non, il ne s’agit pas de ma part d’une basse attaque christianophobe. L’école laïque a eu son lot, mais on en parle moins, comme si le marqueur religieux rendait le crime sexuel plus insupportable ou plus visible, ou comme si le religieux était toujours un collectif alors que l’instituteur n’était qu’un individu.

Les campagnes en Europe contre le harcèlement sexuel au travail, dans les universités ou dans la rue sont aujourd’hui, à juste titre, virulentes (or, peu de supérieurs hiérarchiques sont musulmans). Les violences conjugales (souvent à connotation sexuelle) sont considérées comme endémiques et mal reconnues (et tous les maris violents ne s’appellent pas Ahmed). Les Etats-Unis connaissent un grand scandale de harcèlement sexuel et de viols dans les campus universitaires (ce sont plutôt des Blancs de bonne famille qui sont en cause, comme les victimes d’ailleurs). Le plus drôle, si je peux dire, c’est que les campus américains ont mis sur pied la même campagne d’information envers leurs étudiants mâles (et blancs) que celle échafaudée par les autorités allemandes envers ces immigrés un peu bestiaux qui n’ont rien compris aux valeurs occidentales (des affichettes où une main qui se tend vers une paire de fesses est barrée d’un grand «Nein» rouge, remplacé aux Etats-Unis par un «No» ou un «Don’t»). Si on glisse du côté des fantasmes, John et Ahmed sont au-delà de la différence culturelle.

Mais si, dans le fond, le machisme et le harcèlement sexuel existent partout, alors pourquoi isoler ce phénomène chez les musulmans, au lieu de le combattre sous toutes ses formes ? Parce qu’ils sont musulmans justement. Le Blanc européen ou américain n’est jamais chrétien ou s’il l’est, c’est un simple pécheur égaré que le pasteur va prendre par la main pour le ramener dans le troupeau bêlant de toutes ses clochettes. Le Blanc qui viole n’appartient jamais à une collectivité (sauf le prêtre) : c’est un individu qui a une libido qu’il ne contrôle pas (un «queutard», terme dont la vulgarité vaut presque excuse), un homme qui a des problèmes psychologiques, qui a été violé quand il était petit, qui a trop bu «ce jour-là», ou bien, pour l’étudiant américain, c’est un naïf qui a malheureusement manqué le crash-course organisé la veille par son université sur «pourquoi et comment ne pas violer les filles». Car on peut supposer que, s’il y a des cours de «sexuellement correct», c’est que cela ne fait partie ni de la culture ni de la nature de ces chères têtes blondes. Par contre, on dénie à Ahmed la possibilité (je ne dis pas le droit) d’être un queutard bourré et mal élevé. Lui, il est musulman, et c’est pour ça, comme dirait Molière, que votre fille est muette.

La culture a bon dos, la nature aussi.

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