Blocage insolite à l’aéroport du Caire

Un groupe de femmes pacifistes a été bloqué à l'aéroport du Caire par la sécurité égyptienne, du cinq au six mars. Elles voulaient se rendre à la bande de Gaza lors de la journée internationale de la Femme.

 

Ce groupe, composé de cent femmes venues d'Europe, du Maghreb, des États-Unis, avait répondu à l'appel au secours des Palestiniennes de la bande de Gaza. Elles voulaient les rejoindre lors de la journée internationale de la Femme, le huit mars. Elles leur avaient collecté des lampes torche à dynamo, car les coupures d'électricité dans cette enclave cloîtrée par Israël sont régulières.

 

Je voulais suivre cette mission pour rendre compte du quotidien des habitants de Gaza. J'avais demandé à Olivia Zemor, la coordinatrice, d'accompagner les participantes. Elle accepta. 

 

Le cinq mars, j'atterris à l’aéroport du Caire aux environs de vingt heures. J'arrive au contrôle des passeports, voyant une quarantaine de femmes bloquées par la sécurité égyptienne. Pourquoi ? Un problème de sécurité au Sinaï, me lancent les autorités. Et où est passée l'autre moitié du groupe ? Une partie est disséminée on ne sait où dans l'aéroport, une vingtaine a déjà passé la douane, une autre a été expulsée.

 

Mairead Corrigan, militante irlandaise, prix Nobel de la paix en 1976, a été expulsée martialement. La police égyptienne a brutalisé la militante américaine Médéa Benjamin, expulsée de même. Ayant un bras cassé et une épaule démunie, elle est dans une clinique à Istanbul. A l’heure actuelle, elle est revenue aux Etats-Unis.

 

Pourquoi cette violence ? Aucune réponse. Les autorités égyptiennes utilisent leur seule excuse : problème de sécurité au Sinaï. Elles ont également confisqué les passeports des femmes bloquées, alors qu'ils sont valables, et qu’aucune ne représente un danger. Deux mois auparavant, le gouvernement égyptien fut mis au courant de la mission. Les cent femmes lui avaient envoyé leurs noms et leurs numéros de passeport. Cette procédure servait à obtenir l'entrée au terminal de Rafah, ville frontière avec la bande de Gaza.

 

Le terminal de Rafah est fermé, nous apprend-on. Cela ne justifie nullement l'interdiction d'entrer au Caire, tandis que les autres voyageurs passent tranquillement.

 

« Nous comprenons qu’il est impossible d’aller à la bande de Gaza pour l’instant. Mais on ne nous dit guère pourquoi on nous refuse le Caire. » explique Olivia Zemor à un journaliste de l’Agence France Presse.

 

Je demande à nouveau à la sécurité pourquoi on nous interdit d'aller dans la capitale. Même excuse : problème de sécurité au Sinaï. Voilà de l’entêtement infondé…

 

Il y a un an, entre fin décembre et début janvier, cent vingt personnes avaient participé à une mission semblable, coordonnée également par l’association Europalestine. Ce groupe était entré à la bande de Gaza pendant cinq jours, approuvé par le régime du président égyptien de Mohamed Morsi.

 

À vingt-trois heures, la sécurité apporte des rafraîchissements à la quarantaine de femmes. Acte charitable avec une idée derrière la tête. Après la distribution, plusieurs hommes promettent aux femmes qu'une pièce confortable les attend, avec de la nourriture. Mais elles ne mordent guère à l'hameçon et restent au même endroit pour que les voyageurs sachent qu'elles sont bloquées sans raison valable, que leurs passeports sont confisqués et qu'elles militent contre le blocus imposé par Israël.

 

Bernard Regnauld-Fabre, Consul général de France au Caire, a voulu, selon lui, décoincer le blocage.

 

La première fois, il trompette aux femmes : « Nous ferons le maximum pour vous aider. »

 

La deuxième : « Cela ne s’annonce pas bien du tout. Le mieux est de dire à vos amies que le groupe ne rentrera pas en Égypte. J’ai essayé, mais je ne puis faire autrement. Vous êtes sur des fichiers de sécurité qui interdisent l’entrée dans le pays. »

 

Il a ensuite lâché l'affaire, n’ayant trouvé aucune solution.

 

Quant à l’ambassade de Belgique, puisque parmi les participantes il y a sept belges ? Elle a noté leurs noms et n’a donné aucun retour.

 

Cependant, pourquoi une vingtaine de femmes ont-elles pu franchir la douane ? Mystère intact, même quelques jours après.

 

L’après-midi du lendemain, quelques hommes abordent Olivia Zemor :

 

- Madame, veuillez nous suivre, s’il vous plaît.

- Pourquoi ?

- Madame, venez, vous saurez.

- Je veux une explication !

- Nous avons à vous communiquer plusieurs nouvelles. Et monsieur l’Ambassadeur de France aimerait vous parler par téléphone.

- Vous voulez que je vous suive, et j’ignore si je serai revenue. Vous n’avez qu’à vous adresser à toutes les femmes. Vous leur devez des explications. Elles sont toutes concernées.

 

Les hommes insistent. Olivia Zemor accepte, à condition d’être accompagnée. Je me propose. Les hommes nous conduisent dans un bureau étroit où nous attendent douze hommes moelleusement assis. On me demande d’éteindre tout appareil. Un seul homme se prononce. Il refuse de se présenter et affirme qu’il est là pour aider. La fameuse raison gagne en rigidité :

 

- Madame Zemor, vous devez savoir que cette décision est souveraine. Cela veut dire qu’elle est incontestable. Il n’y a aucune autre explication.

- Monsieur, j’aimerais savoir pourquoi on nous refuse l’entrée au Caire.

- Je vous dis, vous n’aurez aucune autre explication.

- Monsieur, vous ne dites rien, mais je connais la réponse. Israël vous a ordonné ce blocage, car il refuse que nous allions à la bande de Gaza.

 

Le type lui passe un téléphone portable et lui demande d’appeler l’ambassadeur de France en Égypte. Olivia Zemor lui dit tout net ce qu’elle pense de l’aide de la diplomatie française. Mais la conversation est sans nouvelle favorable. Nous avons compris que les autorités égyptiennes veulent que toutes les femmes retournent d’où elles sont venues. Chose faite le soir même.

 

Un séjour à l’aéroport parmi des gardes de sécurité, quelques rafraîchissements offerts au premier jour, une raison louche maintes fois répétée… Charmante visite ! 

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